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Culture juridique : esprit es-tu là ?


En l’absence d’une définition précise, il semblerait que la notion de « culture juridique » soit susceptible de plusieurs acceptions. Retour sur l'histoire et les enjeux de la culture juridique.


culture juridique esprit es-tu là ?

« Les juristes sont ces gens qu’une culture plus que bimillénaire met à même de traiter de situations en permanente et rapide évolution » selon les mots de Denis Alland et Stéphane Rials, initiateurs d’un imposant Dictionnaire de la culture juridique[1]. Pour autant, parmi les entrées de cette somme, l’absence remarquée de la notule « Culture juridique » suscite encore la curiosité. C’est donc de l’ouvrage pionner de Frédéric Audren et Jean-Louis Halpérin, La culture juridique française, entre mythes et réalités, XIXe-XXe siècles[2], qu’a été dressée la généalogie de l’expression « culture juridique française », en montrant qu’elle remontait aux années 1930-1940, avant d’avoir été banalisée au tournant des XXe et XXIe siècles. Leur conclusion est que la culture juridique française n’a jamais existé et n’existe pas, même à l’état d’abstraction. Loin d’être une provocation, il semblerait que les juristes qui ont inventé et utilisé cette formule l’ont souvent confondue avec l’ensemble du droit français, de la doctrine juridique française ou un esprit immanent qui traverserait l’histoire du droit français[3].


Dès lors, en l’absence d’une définition précise de la part de ses utilisateurs, il semblerait que la notion de « culture juridique » soit susceptible de plusieurs sens : d’un point de vue interne, elle renvoie à la pensée et à la pratique des juristes ; d’un point de vue externe, elle incarne la perception qu’ont du droit les non-juristes. Allant encore plus loin, la notion servirait à décrire les spécificités nationales et locales de la pensée et de la pratique des juristes d’une communauté donnée[4]. La culture juridique pourrait faire l’objet, selon Audren et Halpérin, d’une définition encore plus minimaliste – less is more – selon laquelle il s’agirait d’« un ensemble de valeurs, de savoirs et de savoir-faire qui orientent, donnent sens et cohérence aux activités des différents professionnels du droit [afin] d’interpréter des pratiques et des discours qui accompagnent l’application et la transmission des règles de droit »[5].


Dans cette perspective, la notion apparaît bien plus comme une expression particulière de l’analyse culturelle appliquée au droit que comme une culture du droit. En somme, il ne s’agit pas « seulement d’analyser le droit comme un objet culturel, mais de souligner en quoi les approches culturelles offrent un répertoire d’analyses puissant pour renouveler le regard porté sur lui, à travers une diversité d’objet et de méthode »[6], tant au niveau français, qu’européen ou international.


Alors que « le droit ne fait plus partie de la culture commune des élites […] et [que] les juristes ne font plus partie des élites, et notamment de l’élite intellectuelle »[7], il est important que les juristes d’aujourd’hui et de demain ne soient pas de simples « machines à droit », selon la formule d’Alexis de Tocqueville[8], mais curieux de tout. Ceci explique peut-être l’intense production éditoriale grâce à la réforme du CRFPA en 2016 qui a introduit un Grand oral portant sur la « culture juridique ».


En somme, « faire référence à la “culture juridique”, ce n’est pas déterminer un contenu précis, substantiel (comme si un code de la culture juridique était possible) mais adresser à nos pratiques juridiques la question de leur qualité. Qu’est-ce qu’un juriste français ? Qu’est-ce qu’un bon juriste ? Qu’est-ce qu’une formation adéquate ? »[9]. C’est donc bien aux idées d’ouvertures, de circulations, d’échanges que la notion de « culture juridique » fait écho. Ce n’est pas pour rien qu’André-Jean Arnaud estimait que « la perception culturelle de la pensée juridique relativise le phénomène juridique [et] amène l’observateur à penser le droit au pluriel »[10]. La culture juridique serait alors le meilleur rempart contre les assauts contemporains sur nos droits individuels et collectifs.


[1] S. Rials et D. Alland (dir.), Dictionnaire de la culture juridique, PUF-Lamy, 2003, p. XI.

[2] F. Audren et J.-L. Halpérin, La culture juridique française, entre mythes et réalités, XIXe-XXe siècles, CNRS Éd., 2013.

[3] D. Deroussin, « Comment forger une identité nationale ? La culture juridique française vue par la doctrine civiliste au tournant des XIXe et XXe siècles », Clio@Themis 2012, n° 5.

[4] V° « Culture juridique », in A.-J. Arnaud et al. (dir.), Dictionnaire encyclopédique de théorie et de sociologie du droit, LGDJ, 1993, 2e éd., p. 139.

[5] F. Audren et J.-L. Halpérin, La culture juridique française, entre mythes et réalités, XIXe-XXe siècles, CNRS Éd., 2013, p. 8.

[6] A.-S. Chambost, « La culture juridique : combien de divisions ? », in A.-S. Chambost (dir.), Approches culturelles des savoirs juridiques, LGDJ, 2020, p. 9.

[7] D. Mongoin, Philosophie du droit, Dalloz, 2022, n° 14.

[8] A. de Tocqueville, Lettre choisies. Souvenirs, Gallimard, 2003, p. 111.

[9] F. Audren, « SOS culture juridique », D. 2022, p. 601.

[10] A.-J. Arnaud, Pour une pensée juridique européenne, PUF, 1991, p. 23.



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